Partons d’une supposition : nous sommes impatients de servir la France, nous postulons à l’Ecole du SNIF. Malheureusement nous sommes en novembre et les inscriptions sont closes. Qu’à cela ne tienne. En attendant la prochaine promotion, et pour prendre de l’avance, nous étudions les documents en notre possession, qui sont les comptes-rendus de mission de Langelot et de Corinne. Certes ils sont plutôt romancés, mais à travers les ressorts de l’intrigue nous apercevons des éléments de réalité.
Le monde du renseignement est trompeur. On y observe une abondance de copies, doubles et sosies, qui entretiennent le mystère, et dont les permutations alimentent le suspense (le climatiseur Foster, l’effigie de l’amiral Tristram, la statue du chanteur Julio, le sosie de Propergol, ceux de monsieur T, la remplaçante de Graziella, les trois grâces, et même les explosifs échangés contre le savon, les messages à double sens et les maisons à plusieurs issues).
Comme dans les romans policiers, de menus objets, d’anodins détails mettent le héros sur la voie. Car le commandement de l’agent secret est « étonne-toi ! »
(le silence de la radio, le bracelet de Moriol, le fromage de chèvre, la rayure du climatiseur, le graffiti Arthur, le second tube de rouge à lèvres, la carte de visite, la présence du sourd-muet, le bandeau sur les yeux, le parfum de jasmin, la plaque d’immatriculation boueuse) Mais un détail peut aussi le trahir : les chaussures sur le palier.
Dans le monde de l’espionnage, la réalité est souvent paradoxale. L’espion est au poste le moins soupçonnable. Le bleu Langelot a raison contre son chef de mission. Un excès de précautions aboutit au résultat inverse … L’otage est consentante, l’informatrice aurait refusé d’informer si on lui avait proposé de l’argent. Il vaut mieux ralentir une colonne ennemie que la détruire et risquer d’être surpris par une nouvelle expédition. Rien ne vaut la sincérité pour tromper un trompeur.
Une variété de paradoxes, ce sont les plus beaux, porte sur l’éloignement. On pourrait presque y voir de l’action à distance, où temps et espace semblent abolis. Un appel lancé de Paris dans un jeu radiophonique permet de retourner la situation à bord d’un bateau inaccessible. Couper le courant de l’immeuble y révèle la présence d’un magnétophone au bout du micro. On force l’ennemi à revenir en déréglant son émetteur.
D’étranges figures se dessinent, quasi géométriques, avec d’impressionnantes symétries : Le policier complice du terroriste, et celui complice du maître chanteur, ne font qu’un. En Allemagne le suiveur est suivi. Le bip-bip peut être armé de deux façons. La poche de Michel a un double fond constitué par la doublure. Dans le malentendu permanent franco-anglais, les saboteurs sont les deux à la fois. Le mystère du poison versé (qui, comment …) a un troisième aspect imprévu, le fournisseur du poison. Les cinq savants du projet Atropos contribuent ensemble, à leur insu, à la fuite des documents. Les six gardiens de l’exposition internationale se soupçonnent en cercle.
Sur le plan tactique, notre camp profite des erreurs de l’ennemi, qui se trompe de destinataire pour un message, qui se trahit en oubliant d’interroger son prisonnier, qui annonce trop tôt que sa bombe est piégée, qui oublie d’allumer la lumière, qui frappe à la porte au lieu de sonner.
L’adversaire démasqué, on feint de tomber dans son piège pour mieux se renseigner sur lui, pour l’entraîner sur un terrain favorable.
On lui fait croire qu’il mène le jeu, on s’arrange pour influencer ses actes.
On le laisse espionner de faux plans, on lui passe des messages trompeurs pour l’obliger à agir ou pour qu’il détruise ses échantillons. Attention, pour nous affaiblir il nous fait croire que notre service est pénétré.
Nous provoquons de faux événements pour tester un informateur, pour compromettre un traître.
Nous dépêchons à l’ennemi de faux transfuges.
Nous dressons les gens d’en face les uns contre les autres.
On veille à renseigner l’ennemi au moins possible, on s’impose le cloisonnement dans le service, et on évite même d’informer ses alliés. C’est de bonne guerre.
Nous sommes témoins de savants montages, à plusieurs niveaux, dont les acteurs eux-mêmes ne connaissent pas le sens réel de leur rôle. Certains jouent double jeu comme à Ibiza, ou même triple jeu comme ce dirigeant du TIPTU, un type triptyque.
Tout cela s’accompagne d’une panoplie de techniques éprouvées, de la filature, de la fouille, des arts martiaux, jusqu’à la prise en main des informateurs, la mise en condition et l’interrogatoire des prisonniers, et grâce aux codes, aux faux papiers et aux microémetteurs.
Remerciements à lcottais.
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